Deuil compliqué, deuil pathologique : quand la mort fait souffrir les vivants

Choc, refus, colère, dépression, acceptation et reconstruction : les différentes étapes du deuil sont tissées de chagrin et de souffrances qui trouvent souvent un écho dans des troubles physiques. Le plus souvent, ces symptômes s’estompent doucement, avec le temps et la résignation devant l’inéluctable, afin de laisser place à la nostalgie, au souvenir. Mais quelquefois pour différentes raisons, ils perdurent, s’enracinent au point de perturber profondément l’existence de proches qui n’arrivent pas à passer ce cap, qui ne peuvent pas accepter. Le deuil devient alors selon la formule consacrée par les médecins et psychiatres, compliqué ou pathologique. Quelles formes prennent ces dysfonctionnements ? Pourquoi apparaissent-ils ? Comment les repérer et les traiter ?

Deuil compliqué, deuil pathologique : quelles différences ?

Le deuil compliqué s’étire dans le temps, dépassant de loin des douze mois d’assimilation initialement mesurés par les psychologues pour s’installer dans la durée et régulièrement détraquer le quotidien du survivant.

Souvenirs brutalement intrusifs, poussées de chagrin intenses aux dates anniversaires ou à l’évocation de la mémoire, devant certains endroits, des chansons, des objets … ou à l’inverse froideur apparente, banalisation accrue qui cache en fait une douleur sourde et un déni profond (ce qu’on appelle « deuil absent ou retardé »), le deuil compliqué, à terme, entrave le retour à la vie quotidienne, peut progressivement engendrer un état dépressif qui a un impact lourd sur la vie professionnelle, les relations sociales et familiales (ainsi 10 à 20 % des veufs sont touchés par une dépression un an et plus après la mort de leur compagnon).

Le deuil pathologique diffère du deuil compliqué : si ces deux formes relèvent d’une réaction traumatique, elles ne s’expriment pas exactement de la même façon.

Le deuil pathologique quant à lui installe durablement le survivant dans une dépression violente. On constate également de l’anxiété à grande échelle, des signes de stress post traumatique, du délire, des hallucinations où apparaissent le défunt, un comportement bipolaire.

Des symptômes physiologiques parfois très graves accompagnent cette lente descente aux enfers :

  • ulcères ;
  • tumeurs et cancers ;
  • addictions à l’alcool, à la drogue ;
  • comportements à risques ;
  • tentatives de suicide.
À noter :
On note aussi l’apparition de troubles similaires à ceux du défunt, une somatisation parfois fatale car il n’est pas rare chez les veufs qu’ils suivent de très près leurs époux défunts dans la tombe.

Quelles origines et causes ?

A la source de ces troubles parfois spectaculaires, il y a très souvent un lien extrêmement fort avec le disparu, une relation fusionnelle, voire de dépendance, qu’on ne peut distendre car on y a trouvé son équilibre et une forme de protection ou de raison de vivre. La mort de l’autre détruit l’édifice, il est alors extrêmement compliqué de se reconstruire seul, surtout quand on idéalise le défunt ou qu’on a atteint un âge avancé.

Il peut aussi s’agir de rapports passionnels et conflictuels, de non-dits, d’un contentieux datant de très longtemps et qui n’a jamais été réglé, ni même évoqué de vive voix. La mort qui survient brutalement annule la possibilité d’une communication et celui qui reste demeure avec ses questions, ses rancœurs, ses incompréhensions qu’il lui faudra résoudre seul.

Autre situation problématique, les conditions de la mort peuvent engendrer un véritable choc (dans le cas d’un suicide, d’un meurtre ou d’un accident par exemple) surtout si on en a été témoin. La culpabilité s’installe avec des retombées terribles, un amoindrissement de soi, un véritable supplice mental au quotidien. Cette culpabilité peut également engendrer des dégâts quand on est persuadé d’avoir abandonné le défunt, de s’en être mal occupé, quand on a subi plusieurs deuils répétés.

Enfin il convient de prendre en compte la personnalité du survivant, sa manière d’aborder le monde, sa logique de vie, peut-être ses antécédents. Quelqu’un qui a déjà souffert de déprime ou qui s’avère maniaco-dépressif, une personne surdouée, un enfant autiste, … les fragilités sont nombreuses qui seront décuplées dans cette circonstance douloureuse, circonstance qui peut du reste révéler de manière dramatique une affection sous-jacente jusqu’alors endormie.

Quels traitements envisager ?

Les professionnels de santé ont tout à fait conscience de ce phénomène : les études sur le sujet sont légion, l’incontournable DSM ou Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux que consulte toute la profession y consacre un chapitre, les services psychiatriques comme les généralistes sont ainsi avertis de ce type de déficience et prêts à les gérer.  Ils sont notamment très attentifs aux signes émis dans les premiers mois du deuil, afin de différencier les affections auxquelles ils peuvent être confrontés. Car il faut bien intégrer que ce type de déficience est difficile à diagnostiquer

Les hallucinations qui ne portent pas sur le défunt retiennent toute l’attention des praticiens, de même que le ralentissement des gestes et des actions, un fonctionnement général altéré, une dévalorisation constante et accrue, des désirs de mort répétés … L’objectif est de repérer une conduite à risques ou un trouble en développement avant qu’il ne devienne trop grave, ce qui est relativement délicat. N’oublions pas que le deuil est considéré comme l’un des événements les plus stressants à subir, qui altère logiquement le comportement.

Dans tous les cas, quand on a diagnostiqué un problème psychologique lié au deuil, on intervient de deux façons :

  1. La prescription d’antidépresseurs et d’anxiolytiques adaptés, qui permettent de calmer l’individu afin qu’il reprenne une vie disons normale ; il faudra veiller à suivre ce traitement consciencieusement, toute variation dans la prise des médicaments pouvant entraîner des rechutes importantes ;
  2. Le suivi d’une psychothérapie dont l’objectif est d’accepter et d’exprimer la douleur, de formuler la culpabilité, de régler les non-dits évoqués auparavant ; il s’agit de prendre conscience de crises souvent anciennes, qu’on a parfois éludées ; ce faisant, le patient se reconcentre progressivement sur lui-même, acceptant la notion de bien-être personnel. C’est une lente réconciliation.

Quoi qu’il en soit, ces signes ne sont pas à prendre à la légère car ils peuvent refléter des failles plus profondes que le chagrin de la perte d’autrui. L’entourage doit être à l’écoute, dépasser le carcan des codes sociaux, culturels et familiaux afin de percevoir ce qui quelquefois exprime un véritable appel au secours.

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