Bénin : quand inaptitudes et corruption gangrènent un secteur funéraire à la dérive

Les enquêtes menées par l’ONG Bénin Diaspora Assistance et le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique du Bénin concordent : le milieu funéraire du pays part à vau-l’eau, pourri par l’incompétence des professionnels et le système politico-mafieux qui a investi ce marché juteux à bien des égards. Focale sur un état des lieux dramatique.

Établissements surchargés et risques d’épidémie

Il est de notoriété publique que les morgues béninoises ne respectent aucune norme d’hygiène fondamentale. Les constructions sont décrétées sans étude préalable, les chantiers sont anarchiques, et les lieux très vite débordés. Ainsi il y a deux ans, on dénombrait deux cents corps entassés dans les frigos obsolètes du funérarium de la ville de Dangbo, structure qui ne possède aucun laboratoire post mortem équipé pour préparer les dépouilles. Dans la même période, on recense trois fois trop de cadavres dans une morgue conçue pour recevoir douze dépouilles seulement. Le plus grand hôpital du pays amoncelle quelques sept cents morts dans une structure prévue initialement pour une cinquantaine d’individus.

Les dépouilles entassées parfois sur plusieurs mètres de hauteur sont jetées là sans aucun tri. Les assistants y mélangent les décès par mort naturelle ou accidentelle comme les victimes de fièvres hémorragiques ou du choléra, sans se soucier des risques de contamination accrus par la décomposition de corps en nombre important, enfermés dans des espaces clos et sales. En conséquence, pareille situation multiplie la menace d’épidémies graves, les familles étant exposées au même titre que les employés mis quotidiennement au contact des cadavres.

Personnels inaptes, promoteurs avides

Les employés justement ne bénéficient d’aucune formation sérieuse ; quand ils suivent un enseignement préalable, c’est avec du matériel obsolète, sans aucun support sérieux, ni aucune connaissance anatomique ou chimique. Ajoutons que le Bénin ne possède pas d’école spécialisée, aucun cursus dédié. On trouve seulement quatre experts en la matière pour un population de presque 10 800 000 habitants et un territoire excédant les 110 000 km² ; ces spécialistes ont été initiés dans les pays européens, plusieurs d’entre eux ont préféré rester en Occident pour opérer.

Quant aux directeurs des établissements funéraires, ils ignorent tout ou presque de codifications et de lois quasi inexistantes. Le pays ne possède aucune législation claire et rigoureuse en la matière. Pourtant les entreprises de ce genre fleurissent, autorisées par des maires qu’on achète avec des pots de vin. Cela n’a rien d’étonnant : l’activité est très rémunératrice, et l’on peut s’enrichir facilement et rapidement avec ce type de commerce, du reste trusté par des financiers qui par ailleurs sont eux-mêmes des hommes politiques ou des hauts gradés de l’armée, dotés d’une véritable influence.

Fraudes et pots de vin

Faisant fi de la santé publique et de la protection des populations, ces derniers ont la main mise sur le secteur car ils usent de ces bénéfices faramineux pour consolider leurs carrières, sans jamais réinvestir les dividendes dans la modernisation des structures et du matériel, qui sont pourtant antédiluviens. Ainsi ce seraient quelques 50 millions de francs CFA qui partiraient dans les réseaux d’influence, sans qu’il y ait jamais de contrôle ni de sanction, ces personnalités ayant droit de regard sur des textes de lois qu’ils façonnent à leur profit.

Plus grave encore, l’accumulation de cadavres permet de faire main basse sur les actes de naissance afin d’alimenter la fraude des votes par procuration, en faveur des candidats les plus verreux ; ce sont environ 120 000 votes qui sont ainsi détournés, en l’absence de réglementation nette sur la radiation des défunts des listes électorales. Pire, on use de l’identité des morts pour contracter des crédits et des assurances : le détournement de fonds opéré s’élèverait à quelques 100 milliards de francs CFA qui partent dans les poches des élus mafieux, afin entre autres d’acheter la complaisance des cadres censés surveiller ce marché.

C’est donc un véritable cercle vicieux que certains édiles plus consciencieux et les associations béninoises essayent actuellement de démanteler, avec toutes les difficultés qu’on imagine. Un décret est à l’étude certes, mais rien ne dit qu’il sera adopté par des députés qui pour beaucoup tirent profit de cette économie parallèle. Dans tous les cas, la situation du bénin attire l’attention sur les risques d’une dérégulation dans l’activité funéraire ; quand elle n’est pas encadrée et surveillée, cette dernière peut très vite dériver vers des pratiques délinquantes et constituer un facteur de corruption, une véritable menace pour la cohésion du tissu social.

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Pierre C.

Fondateur de Lassurance-obseques.fr

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