Pokemon Go : Cimetières envahis… et solutions délicates

Très en vogue à la mi 2016 où elle a littéralement défrayé la chronique, la Pokemania se ravive à chaque mise à jour de l’application, ramenant ses adeptes dans la rue pour chasser les petites créatures virtuelles … jusque dans les cimetières.

De prime abord amusante, cette joyeuse activité ne va pas sans engendrer d’importants dysfonctionnements au sein des terrains communaux, dont les élus ont la responsabilité.

Comment préserver ces espaces dédiés au repos des morts et à leur mémoire ? Est-ce possible ? Est-ce souhaitable ?

Un phénomène international

Qu’il s’agisse du Canada, des USA, de la Belgique, de l’Écosse, des Pays-Bas ou de la France pour ne citer qu’eux, le jeu Pokemon Go, lui-même équipé du cimetière d’Ekaeka, exerce son influence sans différenciation dans les sites les moins disposés à ce type de loisir.

Cela comprend les commissariats, les lieux de culte ou les cimetières, qu’il s’agisse de nécropoles communales ou militaires. A leur grand étonnement, les usagers comme les agents d’entretien et les directeurs de ces institutions ont pu observer un afflux de visiteurs déambulant entre les tombes, les yeux fixés sur l’écran de leur smartphone, à la recherche des précieuses créatures.

En cause, le système de géolocalisation du jeu, qui s’appuie sur les données des sites publics pour répartir ses positions clés.

C’est ainsi que les cimetières constituent un domaine privilégié pour abriter Lockhlass, Ronflex, Fantominus et autres Pokemons spectraux ou nocturnes. De plus les tombes de personnalités célèbres, les monuments funéraires permettent d’implanter des "Pokestops", sortes de points de ravitaillement virtuels ; quant au cimetière lui-même, il est souvent métamorphosé en arène où les équipes peuvent s’affronter par monstres interposés.

Le problème est que les joueurs évoluent sans aucune conscience de l’espace qu’ils pénètrent, ignorant les obsèques en cours, les familles en deuil, faisant fi de la plus élémentaire discrétion, de la retenue et de la dignité dictée par la vocation même du lieu.

Des comportements incompatibles

Cela se traduit par des actes transgressifs, consciemment ou non, l’obligation de recueillement inscrite dans les règlements des cimetières :

Outre une certaine nonchalance, et le mépris évident du chagrin de certaines personnes venues rendre hommage à leurs morts, les participants n’hésitent pas à gravir les tombes, piétiner les fleurs et les parties végétalisées. On note également des dégradations de monuments, des stèles renversées. Les cas de chutes et de blessures ne sont pas rares.

Si la plupart des passionnés se déplacent à pied, beaucoup utilisent leur automobile, circulant ainsi dans les allées, au risque d’empêcher l’accès des convois funéraires, de multiplier les risques d’accident.

Par ailleurs, certains adeptes ont été surpris en train d’essayer de gravir les murailles, de forcer les portails de cimetière pour y pénétrer de nuit afin de poursuivre leur traque…

Une jeune américaine a même été enfermée par inadvertance dans un terrain communal ; absorbée par sa chasse, elle n’a pas pris en compte l’heure de fermeture et s’est retrouvée piégée, obligée de contacter la police pour qu’on vienne la délivrer.

Les Pokemon addicts peuvent être pris à partie, comme ce fut le cas dans certains cimetières militaires où les vétérans venus célébrer la mémoire de leurs compagnons disparus ont réagi très violemment à cette présence incongrue et irrespectueuse.

Toute cette agitation amène à mobiliser les agents de police et de la municipalité, obligés d’intervenir alors qu’ils ont des dossiers bien plus importants à régler en matière de gestion et de sécurité.

Des mesures difficiles à appliquer

Face à ce comportement de masse, les responsables des cimetières comme les élus municipaux ont des positionnements différents :

> Certains vont faire appel au sens civique des joueurs, tenter de les raisonner, tout en tolérant la pratique de leur passe-temps ; cela suppose la mise en place de panneaux à l’entrée des cimetières, stipulant l’obligation de garer son véhicule et de circuler à pied, de respecter l’impératif de discrétion, de ne pas jouer à proximité d’une inhumation en cours (par exemple).

D’autres, appliquant à la lettre l’obligation de décence, interdisent carrément la présence des joueurs, les faisant sortir du périmètre dès qu’ils en détectent un, ce qui n’est pas toujours aisé.

Plusieurs responsables ont décidé d’engager des agents de sécurité pour surveiller les lieux et évacuer les joueurs manu militari.

Devant l’augmentation des réclamations et des plaintes, Niantic, entreprise en charge de Pokemon Go, a mis en ligne un formulaire destiné aux lieux et structures désireux de ne plus être repérés via le jeu. Nombre de cimetières ont ainsi signalé leur désir d’être exclus des périmètres de jeu.

Récemment les internautes avaient été émus par le récit de ce jeune néerlandais qui a détecté un Pokemon sur la tombe de son petit frère, lui-même adepte du jeu.

Malheureusement, ce genre d’anecdote touchante est rare, et les adeptes de la Pokemania se singularisent le plus souvent par un mépris complet de la signification de l’emplacement dans lequel ils évoluent, quand il ne s’agit pas de vandalisme pur et simple.

Virtualisation de la réalité, résultante de la numérisation à outrance, désacralisation de la mort en marche, ce phénomène se heurte à la résistance des autorités responsables et des familles souvent choquées par ce manque de respect et de conscience … mais pour combien de temps encore ?

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Delphine Neimon

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